Mohand Cherif Zirem au quotidien La Cité

Publié le par Mohand Cherif Zirem

Mohand Cherif Zirem au quotidien La Cité


            « Seule la démocratisation réelle de notre pays sauvera notre jeunesse »



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Mohand Cherif Zirem est psychologue clinicien, journaliste poète et écrivain. Certains de ses livres sont même traduits en italien et édités aux Etats Unis d’Amérique. Il est aussi militant des droits de l’homme. Son engagement est remarquable dans ses écrits littéraires et ses travaux journalistiques. Idem dans ses positions et ses multiples participations aux mouvements contestataires. En 2009, Zirem a été consacré parmi les plus grands poètes algériens dans l’Encyclopédie de la poésie algérienne de la langue française.  Dans cet entretien l’ex-journaliste du Kabyle de Paris, revient sur ses dernières publications et nous raconte sa fascination du monde fabuleux des mots. Comme il revient sur certains évènements d’actualité.   


• « Je vais encore prendre le large », votre dernière œuvre, sonne comme un appel d’ailleurs très entendu par notre jeunesse. Nous vivons quotidiennement « la haraga »….c’est cela qui vous a poussé à l’écrire vous le journaliste?


Mohand Cherif Zirem : « Je vais encore prendre le large » est mon dernier livre édité en Algérie. Après « Les Nuits de l’absence », publié en 2006, puis en 2010 « L’Amour ne meurt pas » et « Brahim Saci, sur les traces de Slimane Azem ». Trois de mes livres sont édités aux USA, aux éditions américaines Lulu et traduits en italien. A vrai dire, ce n’est pas la « Harga » (l’immigration illégale) qui m’a inspiré ce livre, même si j’ai écrit des textes sur ce phénomène. L’un des poèmes de mon dernier-né littéraire peut avoir des interprétations dans ce sens. Je profite l’occasion pour dénoncer tous les régimes autoritaires, lesquels  livrent leurs jeunes à une mort certaine, en les forçant à fuir la terre qui les a vu naître, dans des barques de fortunes. Par exemple, l’Algérie est un pays si riche, si beau et si vaste, pourtant il n’offre pas une vie digne pour la plupart de ses enfants, et pire encre, le pouvoir despotique d’Alger les pousse aux multiples formes de suicides. C’est inconcevable. Seule la démocratisation réelle de notre pays sauvera notre jeunesse.  Mon dernier ouvrage poétique porte le titre du dernier poème « Je vais encore prendre le large ». Un long texte où je relate la fiction d’un groupe de personnes qui échappent, miraculeusement, à un naufrage. Dans le bateau, qui allait chavirer, des êtres humains tentent de sauver leur peau, chacun à sa manière. A travers cette histoire,  c’est la vie qui est symbolisée. Notre existence est semblable à un voyage. Au cours de ce périple, des moments difficiles supplantent, sans cesse, d’autres moments plus cléments, ou moins mauvais. Pour faire face aux multiples entraves de la vie, l’homme tente de trouver des solutions et   des issus. Notre philosophie positive de la vie nous aide, énormément, à aller de l’avant. Par le truchement de ce poème, j’ai analysé, psychologiquement, la personnalité humaine. Comme j’ai fait de mon mieux pour positiver la vie et dire, à ma manière, les différentes façons de ne pas désespérer. L’espoir fait vivre, surtout dans notre monde qui se matérialise et se déshumanise vertigineusement. La littérature libère l’homme et lui ouvre des portes sur un monde plus humain et plus beau. Dans les autres textes, j’ai évoqué l’amour dans toutes splendeurs.  J’ai consacré des poésies pour la mer qui m’envoûte, pour la montagne, qui me captive, depuis ma tendre enfance  et bien d’autres choses de la vie. J’ai aussi exprimé mes  indignations face aux injustices qui ravagent mon pays. Je me suis aussi solidarisé avec mes frères opprimés à travers le monde.  Je suis citoyen du monde et tout ce qui touche à la dignité de la femme ou de l’homme m’interpelle.

 

Psychologue clinicien de formation, journaliste de profession, vous êtes également issu d’une famille de poètes et « gens de plume ». Votre frère Youssef romancier et journaliste, et très connu en France, et un autre frère Hamza sont égalent auteurs et écrivains, parlez nous un peu de cette famille qui se distingue par l’écrit


Si je suis devenu écrivain et poète le grand mérite revient à ma mère. Une poétesse qui a une philosophie singulière de la vie. C’est une personne unique qui a l’art de vivre et ne jamais baisser les bras malgré les tourments de la vie. A travers les contes, les poésies kabyles et les proverbes, ma mère a su me transmettre une culture riche et plurielle. C’est aussi grâce à elle que j’ai découvert l’amour de la littérature et l’amour tout court. Peu de gens savent aimer. L’amour c’est d’abord la bonté, le partage, le sacrifice et l’altruisme. Ma mère est une grande femme et c’est elle qui m’a ouvert les yeux sur beaucoup de secrets de la vie. Je lui consacre souvent des hommages dans mes écrits. Et je profite de cette tribune pour lui manifester ma reconnaissance et mon grand amour que j’ai pour elle. Un amour qui n’est que le reflet de son amour noble et éternel. Il y a aussi le mérite de mon père car il nous bien éduqué et a mis à notre disposition une bibliothèque importante. Sans omettre mes frères et mes sœurs. J’ai la chance d’être le cadet de la famille, donc le plus jeune. J’ai pu voir le parcours de mes frangins, m’inspirer de leurs parcours et même tenter de ne pas refaire leurs erreurs. Mon frère Youcef a été pionnier  en éditant son premier livre dès 1995. J’avais à l’époque 14 ans. Certes, j’écrivais bien avant cette date, mais cela m’a incité davantage à publier mes écrits. Dada Youcef m’a encouragé pour mes écrits littéraires et journalistiques. Il mérite mes hommages.  Mon frère Hamza aussi est écrivain et m’a encouragé. Il y a aussi mes autres frères et sœurs qui écrivent. L’écriture est une maladie de famille chez nous (rires).   


La Kabylie, votre région natale, se distinguera ce mois ci par une autre bravade. Déjeuner des non jeuneurs, débat ouvert sur les libertés individuelles, qu’elle est l’opinion de l’intellectuel que vous êtes.


Depuis toujours, j’ai milité pour les libertés et les causes justes. Modestement, je ne ratte pas une occasion pour manifester dans mes écrits ou dans la rue mes opinions. Je condamne l’extrémisme d’où il vient. Le pouvoir despotique d’Alger doit respecter les libertés des gens. Les islamistes intégristes aussi ne doivent pas imposer leurs lois. Toutefois, l’extrémisme laïc est aussi une forme de fascisme condamnable. Les citoyens sont libres de jeûner ou pas et personne ne peut les contraindre. Cependant, manger publiquement, en groupe et dans une société qui fait un rituel religieux depuis plus de 14 siècles est de la pure provocation. Je dénonce les intimidations que subissent les non-jeûneurs qui ne s’exhibent pas   publiquement. Comme je dénonce les non-jeuneurs qui bafouent, publiquement les mœurs d’une société.  Peut-on remettre en cause les célébrations de Noël ou autres pratiques dans les sociétés chrétiennes ?  C’est inimaginable. Donc, quand on vit en communauté, on doit respecter ses pratiques religieuses. Par ailleurs, il faut respecter aussi toutes les convictions. Je pense que cette polémique est une manière de détourner les citoyens algériens des vrais problèmes. Au moment où le chômage fait des ravages chez 80 % des jeunes. Au moment où les multiples crises secouent le pays, les hommes de l’ombre veulent, encore une fois, distinguer la Kabylie et la montrer comme si elle représente une menace pour le reste du pays. C’est la politique de diviser pour régner.  La Kabylie est région, majoritairement, musulmane et personne ne peut prouver le contraire.  Toutefois, il doit aussi y avoir de la place pour les chrétiens et même pour les athées.  Il faut savoir accepter l’autre et être tolèrent. Mais ce n’est pas en opposant de l’extrémisme à un autre.     


Des projets en cours…


Oui, j’ai plusieurs projets. D’abord je continue la promotion des mes derniers livres édités en Algérie et aux USA, en assurant des ventes-dédicaces et autres rencontres avec mes lectrices et lecteurs. Puis, j’ai des livres en chantier en Tamazight, en Arabe et en Français que je dois finir. Ces ouvrages littéraires et scientifiques seront publiés au bon moment, je l’espère. J’ai aussi des livres à lire. Et bien d’autres projets.  J’espère avoir le temps de concrétiser, au moins certains de mes songes car la vie est si courte. 


    Entretien réalisé par Ferhat Tizguine pour le Quotidien La Cité du 25/08/2013.

 

 

 

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